Certains m\u00e9decins s\u2019inqui\u00e8tent : de plus en plus de patients seraient diagnostiqu\u00e9s d\u00e9pressifs<\/strong> et m\u00e9dicament\u00e9s \u00e0 tort. Tandis que Monsieur Prix souhaite r\u00e9duire la liste des m\u00e9dicaments rembours\u00e9s par les caisses maladie, un psychiatre ose briser l\u2019omettra.<\/p>\n Robert Neuburger : \u00ab\u00a0Un peu d\u2019angoisse<\/strong> n\u2019a jamais fait de mal \u00e0 personne. Etre angoiss\u00e9 ne fait pas de tout le monde un d\u00e9pressif<\/strong> \u00bb<\/p>\n Robert Neuburger est un psychanalyste r\u00e9put\u00e9, auteur de nombreux ouvrages, pratiquant \u00e0 Paris et \u00e0 Gen\u00e8ve. Il est notamment vice-pr\u00e9sident de la Soci\u00e9t\u00e9 fran\u00e7aise de th\u00e9rapie familiale. Il d\u00e9nonce l\u2019abus de diagnostics de d\u00e9pression<\/strong> et de prescriptions d\u2019antid\u00e9presseurs<\/strong>, en particulier par les g\u00e9n\u00e9ralistes. Un discours qui d\u00e9range, dans le d\u00e9bat actuel sur la surconsommation de m\u00e9dicaments.<\/p>\n Selon Robert Neuburger, une majorit\u00e9 de personnes diagnostiqu\u00e9es \u00ab d\u00e9pressives \u00bb ne le seraient pas vraiment en r\u00e9alit\u00e9, elles n'ont pas vraiment conscience des sympt\u00f4mes de la d\u00e9pression<\/strong>.<\/p>\n La d\u00e9pression<\/strong> est sur-diagnostiqu\u00e9e. Actuellement, vous entrez un peu triste dans un cabinet de m\u00e9decin et vous en sortez d\u00e9pressif<\/strong>, avec \u00e0 la main un traitement \u00e0 base d\u2019antid\u00e9presseurs<\/strong>.<\/p>\n <\/p>\n L\u2019inverse de ce que l\u2019on cherche \u00e0 obtenir en donnant un traitement \u00e0 base d\u2019antid\u00e9presseurs<\/strong>, comme par exemple des inversions de l\u2019humeur. Le patient devient euphorique. Les prescriptions abusives ont cr\u00e9\u00e9 des personnalit\u00e9s bipolaires.<\/p>\n Le probl\u00e8me vient du fait que l\u2019on administre un traitement unique \u00e0 des milliers de personnes aux histoires diff\u00e9rentes. Selon moi, on ne peut pas soigner de la m\u00eame fa\u00e7on quelqu\u2019un qui vient de perdre un proche et quelqu\u2019un qui rencontre des difficult\u00e9s professionnelles. Il faut remettre l\u2019individu au centre de la th\u00e9rapie, retrouver pour chacun l\u2019origine de la pathologie et ne pas se contenter de soigner ses cons\u00e9quences.<\/p>\n Avec la d\u00e9pression<\/strong>, \u00ab le mal du si\u00e8cle \u00bb, les laboratoires ont trouv\u00e9 un formidable cr\u00e9neau. Comme le confirme Bill Bryson dans son livre \u00ab une histoire de tout ou presque \u00bb (ndlr: cet ouvrage a re\u00e7u, en 2005, le prix Descartes pour la communication scientifique): \u00ab entre mettre au point des antibiotiques que les gens prendront pendant quinze jours et des antid\u00e9presseurs<\/strong> que les gens prendront chaque jour toute leur vie, les compagnies pharmaceutiques ont opt\u00e9 sans surprise pour les seconds. \u00bb<\/p>\n Les laboratoires pharmaceutiques s\u2019attaquent aux m\u00e9decins g\u00e9n\u00e9ralistes, en leur ventant, via des publicit\u00e9s qu\u2019ils envoient directement \u00e0 leurs cabinets, les m\u00e9rites de telle ou telle nouveaut\u00e9.<\/p>\n Les g\u00e9n\u00e9ralistes restent les plus gros prescripteurs d\u2019antid\u00e9presseurs<\/strong> (ndlr: pr\u00e8s de 70% des prescriptions \u00e9manent des m\u00e9decins g\u00e9n\u00e9ralistes). Mais ils sont peu familiaris\u00e9s avec les troubles mentaux et psychologiques. Et ne disposent pas d\u2019autres informations sur les nouveaux m\u00e9dicaments que celles fournies par les laboratoires.<\/p>\n En m\u00e9dicalisant les probl\u00e8mes psychologiques, tout devient une pathologie. Les laboratoires se sont attaqu\u00e9s depuis un moment au march\u00e9 de l\u2019enfance. On commence m\u00eame \u00e0 leur prescrire des antid\u00e9presseurs<\/strong>. La Ritaline par exemple, destin\u00e9e \u00e0 soigner les d\u00e9ficits d\u2019attention chez les enfants hyperactifs, n\u2019est rien d\u2019autre qu\u2019une amph\u00e9tamine utilis\u00e9e comme produit dopant par certains cyclistes. On ne conna\u00eet pas encore les cons\u00e9quences qu\u2019elle peut avoir \u00e0 long terme.<\/p>\n Les jeunes psychiatres ont \u00e9t\u00e9 \u00e9lev\u00e9s dans cette culture ultra-m\u00e9dicamentalis\u00e9e et prescrivent \u00e0 tour de bras. Certains praticiens ont tendance \u00e0 traiter tout probl\u00e8me chez l\u2019enfant par des m\u00e9dicaments. Certains parents r\u00e9agissent, mais la plupart consid\u00e8rent que le m\u00e9decin d\u00e9tient le savoir et suivent ses conseils.<\/p>\n La soci\u00e9t\u00e9 a toujours eu tendance \u00e0 stigmatiser les personnes faibles, ce qui rassure tout le monde car ainsi on ne remet pas en cause le fonctionnement du couple, de la famille ou de la soci\u00e9t\u00e9.<\/p>\n Dans les ann\u00e9es 30, on a \u00e9t\u00e9 jusqu\u2019\u00e0 consid\u00e9rer que le ch\u00f4mage \u00e9tait g\u00e9n\u00e9tique.<\/p>\n Aujourd\u2019hui, on nous annonce que la d\u00e9pression<\/strong> elle-m\u00eame serait g\u00e9n\u00e9tique. C\u2019est certainement faux : le r\u00f4le que l\u2019on attribue aux g\u00e8nes n\u2019a pas de base scientifique.On transforme un traitement pour une pathologie lourde en traitement de confort.<\/h5>\n
Pourtant, certains patients ont davantage besoin d\u2019\u00e9coute, de soutien voire d\u2019une psychoth\u00e9rapie que de m\u00e9dicaments. Ce qui est d\u2019autant plus dommage que Gen\u00e8ve a \u00e9t\u00e9 pendant longtemps la capitale de la psychanalyse.<\/h5>\n
Quels risques pour les patients ?<\/h3>\n
A qui la faute ?<\/h3>\n
Les m\u00e9decins ne devraient-ils pas \u00eatre plus attentifs ?<\/h3>\n
\nOr, un peu d\u2019angoisse n\u2019a jamais fait de mal \u00e0 personne. Etre angoiss\u00e9 ne fait pas de tout le monde un d\u00e9pressif<\/strong>.<\/p>\nQu\u2019en est-il des enfants ?<\/h3>\n
Comment expliquer la situation actuelle ?<\/h3>\n
\nLe risque est que pour certains, la d\u00e9pression<\/strong> devienne une forme de solution qui \u00e9vite de se poser des questions.<\/p>\nA consulter \u00e9galement :<\/h5>\n